Déclaration FSU au CAEN du mercredi 5 décembre 2018
Ce CAEN intervient au milieu d’une crise sociale sans précédent, conséquence d’une
rupture de contact entre une France rurale et populaire et une France des élites, incarnée par
le gouvernement Macron.
La FSU alerte depuis longtemps sur les problématiques liées aux espaces ruraux, et
dénonce les fermetures de services publics que ce soient les écoles des petits villages fermées
pour dédoubler des classes de REP dans les villes depuis l’année dernière. Ce dédoublement est
une bonne mesure mais ne doit pas se faire au détriment d’autres établissements. Nous
pourrions ajouter encore le cas emblématique du lycée de Migennes, contre la fermeture duquel
partenaires sociaux, élus locaux et représentants des fédérations de parents d’élèves s’étaient
élevés.
Voilà des années que les corps intermédiaires que nous représentons ne sont pas entendus
ni suivis dans leurs propositions. Ce n’est que par un véritable dialogue social, respectant les
interlocuteurs, que l’Etat sortira le peuple de la crise. À ce dialogue de sourd s’ajoute le mépris.
Les enseignants sont des fonctionnaires de conception et entendent le rester. Les
critiques du gouvernement et du ministre de l’E.N qui veut imposer « de bonnes pratiques
pédagogiques » ainsi que le pilotage par l’évaluation nourrissent la défiance des personnels.
Face aux multiples attaques qui vont transformer radicalement le système éducatif avec
en toile de fond, la reprise des suppressions de postes, les personnels ont manifesté colère et
inquiétudes en participant à la journée de grève unitaire de l’éducation nationale le 12 novembre
dernier.
Le 9 octobre, c’est aux côtés des salariés du privé que les fonctionnaires se sont
mobilisés en portant des revendications salariales, d’égalité professionnelle, de développement
des services publics et de défense des statuts.
Le 27 septembre, les enseignants de la voie professionnelle étaient en grève contre la
diminution massive des enseignements généraux, contre la dé-professionnalisation des
formations, contre les suppressions de postes.
La réforme de la voie professionnelle en discussion actuellement entérine une forte
baisse des horaires élèves qui aura des conséquences négatives sur la réussite des jeunes et
leur insertion professionnelle. La préparation au baccalauréat dans les matières professionnelles
s’effectuera sur 2 ans au lieu de 3 actuellement et 4 ans il y a avant 2009, ce qui déqualifiera
encore plus les diplômes. La multiplication de dispositifs supposés pédagogiques mis en oeuvre au
détriment des enseignements généraux et professionnels va renforcer les inégalités et les
difficultés dans les classes. Des Unités de Formation par Apprentissage vont être imposées
dans tous les lycées professionnels plaçant ainsi la voie scolaire publique en concurrence féroce
avec l’apprentissage, concurrence entre les filières et entre les jeunes. D’ici 2022 cette
réforme permettra de supprimer 2 500 postes de PLP. La FSU a permis que les premiers textes
réglementaires soient rejetés par le CSE. La FSU continue à s’opposer à cette réforme et
demande une autre réforme de la voie professionnelle où la réussite de tous les jeunes soit au
centre des transformations et permettent un véritable renforcement des savoirs, une carte des
formations élargie et équilibrée et une amélioration des conditions de travail des personnels.
La grogne monte aussi dans les lycées généraux et technologiques, chez les personnels
(avec des droits de retrait exercés dans les lycées Léon Blum du Creusot ou le Castel à Dijon)
mais aussi chez les élèves de 2nde, inquiets quant au choix à venir des spécialités. Les
manifestations lycéennes de ces derniers jours en sont la preuve. Le vernis de la réforme
craque déjà et le début de mise en oeuvre est bien éloigné des promesses de lycée du « libre
choix » vantées par le ministère. Sur les 11 spécialités proposées (sans compter la spécialité
biologie écologie réservée aux lycées agricoles), seules 7 devraient être présentes dans tous les
lycées… sauf si cela conduit à manquer de marges d’autonomie pour l’établissement. La FSU
partage avec le rectorat cette crainte que les moyens ne soient pas à la hauteur… mais elle
dénonce avec force la concurrence que cela instaure entre les disciplines, entre les équipes.
Faudra–t-il préserver la marge pour les travaux en effectif réduit, ou pour l’implantation
d’enseignements optionnels ? Par ailleurs, nos remontées font état d’une volonté de nombreux
chefs d’établissement de prioriser l’AP, en prenant également sur la marge d’autonomie. Cette
manière de rendre les enseignants co-responsables des dégradations à venir est symptomatique
d’une dérive managériale qui n’est hélas pas nouvelle. Le dernier épisode concerne la répartition
interne des heures d’enseignements fixés nationalement entre différentes disciplines,
aggravant le poids des arbitrages locaux, dont l’intérêt n’a jamais été démontré. Ce n’est ni
l’autonomie, ni la confiance, que le ministère instille dans les lycées actuellement.
Le gouvernement, à l’instar du ministre de l’éducation nationale qui, le 2 octobre a parlé du
coût élevé du lycée professionnel, bâtit ses contre réformes sous le seul prisme de la réduction
des dépenses et surtout, sans les personnels ! Il en paye déjà le prix avec les manifestations
lycéennes. La FSU les et partage totalement leurs revendications mais souhaite des actions
sans violence. Mais comment ne pas voir dans ces actions un renvoi de la violence symbolique que
le gouvernement exerce sur les personnels mais aussi sur les usagers en n’entendant pas les
critiques des réformes Blanquer présentées par la FSU depuis le début !
Prendre prétexte de la scolarité obligatoire à 3 ans pour accroître les financements du
privé, élargir le périmètre des expérimentations dérogatoires, remplacer le Cnesco, indépendant
par un organisme qui ne le sera plus, transformer les Espé en institut placé sous l’autorité du
ministère et confier à des Assistants d’éducation au statut modifié des « fonctions
pédagogiques et d’enseignement » avant même qu’ils soient en Master MEEF et qu’ils préparent
le concours. Le projet de Loi Blanquer traduit donc bien la vision d’une école libérale et
autoritaire que la FSU a déjà combattue et qu’elle combattra encore. Pourrez-vous poursuivre,
Madame la Rectrice, la réflexion avec l’Espé et les étudiants, enseignants stagiaires suite aux
mouvements dans les Espé de l’année 2016-2017 et de cette année ?
Derrière le florilège d’actions entreprises ou annoncées, la FSU note tout de même des
oublis de taille. Le refus de tout examen de la carte de l’éducation prioritaire des collèges en
est un. La FSU rappelle sa demande du retour des lycées dans l’éducation prioritaire notamment
les lycées professionnels qui accueillent la quasi-totalité des élèves sortant d’EREA ou de
SEGPA et des élèves en ULIS. Elle a demandé à plusieurs reprises la prolongation des clauses de
sauvegarde concernant les lycées. La FSU estime aussi qu’il est plus que temps de réexaminer la
situation d’écoles orphelines (les grésilles à Dijon par exemple) et sorties de l’éducation
prioritaire car le collège tête de réseau en était sorti en 2015 Dans certaines d’entre elles, il n’y
a aucune mixité sociale, comme l’école Marcel Pagnol et Arc En Ciel de Mâcon et pourtant, les CP
sont à 27 ou 30. Alors est-il urgent d’attendre pour la réussite de tous, pour l’égalité
républicaine ? La FSU souhaite pouvoir discuter des indicateurs qui seront retenus voire
pondérés par l’Académie pour la future carte de l’Education prioritaire et ajouter des écoles ou
collèges jusqu’ici exclus alors que les élèves accueillis en relèveraient sans aucun doute.
Et que va-t-il advenir des CIO ? La fermeture des CIO priverait les élèves et leurs
familles d’un accueil de proximité y compris pendant les vacances scolaires, lorsque les
établissements scolaires sont fermés. Elle signifierait la disparition du service public
d’orientation de l’Éducation nationale et l’ouverture aux officines privées et start-up en tous
genres. Pour les 26 personnels, Psy EN titulaires, contractuels, administratifs, qui ont participé
à une réunion syndicale départementale en fin d’année scolaire, « Fermer les CIO, c’est dire qu’il
n’y a plus de tiers auprès des familles. On ne sera plus en mesure d’apporter un conseil aussi
neutre qu’auparavant. On attaque les CIO en tant que structures. On attaque la posture de
psychologue. On nous assigne à une posture d’enseignant d’orientation. Dire qu’il y aura
davantage de proximité si nous devions être rattachés en établissement, c’est faux : nous
aurons le même nombre d’élèves en charge et nous perdrons toute la coordination, l’échange
entre pair que permet le CIO. Le fondement du métier est nié ». Comment avoir confiance,
Madame la Rectrice ?
Concernant l’ouverture à l’internationale qui pourtant semble une priorité du Rectorat,
les établissements qui construisent des projets européens ou erasmus + se retrouvent sans
interlocuteur puisque le poste de chargé de mission sur les programmes européens n’est pas
pourvu. Quand ce poste sera-t-il à nouveau pourvu ?
Dans certains départements, comme l’Yonne ou la Saône et Loire, on relève une
multiplication par 3 des élèves allophones, qui sont accueillis en tout premier lieu dans les CIO
justement, alors même que les structures UPE2A n’ont pas augmenté dans les mêmes
proportions. Dans certains bassins, les niveaux A1 et A2 sont déjà bien remplis dans les
établissements et on annonce que des commissions sont d’ores et déjà programmées pour des
dizaines de dossiers en attente.
Dans les lycées généraux et technologiques comme dans les collèges, la tendance observée
depuis 6 ans se poursuit avec une augmentation du taux d’élèves scolarisés dans l’enseignement
privé, affectant de fait la mixité sociale dans tous les établissements. Dans le premier degré,
nous constatons une hausse des élèves dans le privé, tant en élémentaire qu’en maternelle dans
presque tous les départements, tendance qui risque de se confirmer avec la scolarisation des
moins de 3 ans, cadeau offert aux écoles privées. Celui-ci va contribuer à accentuer cette
tendance de transfert d’élèves du public vers le privé qui devrait au contraire être combattue
comme devrait l’être aussi l’augmentation de la scolarisation à la maison ou la création d’école
privée hors contrat. La FSU espère que la nouvelle réglementation sur l’ouverture d’école
privée hors contrat permettra de limiter les ouvertures, et demande que le contrôle de la
scolarisation à la maison ou dans une école privée hors contrat soit assuré avec soin. Tous ces
mouvements doivent interroger l’enseignement public et en particulier les réformes qui lui sont
appliquées et causent au moins en partie ces mouvements du public vers le privé. Cela doit aussi
interroger certaines difficultés que dénoncent des collègues sur l’absence de soutien de leur
hiérarchie face à la violence et aux incivilités. A ce titre le #Pasdevague ne doit pas rester sans
réponse autre que médiatique ou pour le moins inappropriée l’envoi de chefs d’établissement en
stage commando.
Attentive et engagée pour le fonctionnement du service public d’éducation, la FSU l’est
autant pour les personnels. Elle a décidé de signer le protocole pour l’égalité professionnelle
entre les femmes et les hommes dans la Fonction publique. Très active lors de la négociation, la
FSU a permis de faire avancer un certain nombre d’idées et d’éléments, parmi lesquels
l’obligation de résultats et la possibilité de sanctions en cas de non mise en oeuvre par les
employeurs des actions décidées, ou encore la suppression de la journée de carence pour les
femmes en arrêt maladie lors de leur grossesse. Cet engagement de la FSU en faveur du
protocole ne vaut que sur ce texte et ne vaut pas satisfecit sur la politique gouvernementale
concernant l’égalité femmes/hommes, car la FSU n’est pas dupe : la politique menée par ce
gouvernement et les réformes qu’il porte pénalisent les plus précaires, et en particulier les
femmes. La réforme de l’action publique envisage une prise en compte du mérite dont on sait
qu’elle va accentuer les inégalités entre les femmes et les hommes. De même la réforme des
retraites à venir s’annonce comme une dégradation pour les fonctionnaires, et particulièrement
pour les femmes, dont les carrières sont en moyenne plus courtes, assorties de salaires plus
faibles et de périodes de temps partiels. La FSU continuera à s’engager dans les mobilisations
collectives, et à mettre en évidence les contradictions internes d’un gouvernement dont toute la
politique va à l’encontre de l’égalité et des droits des femmes.
La FSU met en perspective, et en discussion avec toutes les fédérations de
fonctionnaires, la construction d’une journée de riposte dans la Fonction publique au début de
l’année 2019. Elle y proposera également des discussions sur l’avenir du système des retraites
des fonctionnaires et sur les mobilisations à construire.